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CHAPITRE III

THÉORIES ÉCONOMIQUES ET POLITIQUES

Un double problème se pose, en outre du problème juridique, dans toute philosophie sociale, et, en particulier, dans la doctrine de l'utilité: un problème économique, et un problème constitutionnel, ou politique.

L'État, pour entretenir les fonctionnaires chargés de faire les lois, de les appliquer, de veiller à leur exécution, de défendre la nation contre les ennemis extérieurs, doit imposer aux citoyens des charges pécuniaires, et léser, d'une manière au moins relative et temporaire, les intérêts économiques des citoyens. En outre, l'État peut se préoccuper de défendre, contre la concurrence extérieure, les intérêts économiques des citoyens, et de défendre, à l'intérieur, les intérêts économiques de telle ou telle classe déterminée. Bref, l'État s'attribue une fonction économique. C'est en 1776, dans sa « Richesse des Nations », qu'Adam Smith a essayé de résoudre le

problème économique en se fondant sur le principe de l'utilité. Bentham adopte, en 1787, dans un premier essai d'économie politique, les idées fondamentales d'Adam Smith.

L'État législateur, policier, percepteur d'impôts, peut être conçu sur les plans les plus divers. Il peut être monarchique, aristocratique, démocratique, ou encore être mixte, et contenir une combinaison d'éléments monarchiques, aristocratiques ou démocratiques. Mais tout État possède une constitution. En 1776, Bentham, dans son<< Fragment sur le Gouvernement », où il s'inspire de David Hume, fonde sur le principe de l'utilité une critique des doctrines constitutionnelles en

cours.

Donc, en matière économique et en matière constitutionnelle comme en matière juridique, Bentham, disciple de David Hume et d'Adam Smith, est un représentant typique du mouvement utilitaire naissant. Nous recherchons comment se fait au XVIe siècle, chez tous ceux qui se réclament de la thèse utilitaire, et en particulier, chez Bentham, futur chef de l'école, l'application du principe de l'utilité aux questions d'économie politique et de droit constitutionnel.

I

ADAM SMITH ET BENTHAM

« Je ne me souviens pas, écrit Bentham dans la lettre à Adam Smith qui sert de conclusion à sa « Défense de l'Usure », quel dialecticien grec, s'étant mis à l'école d'un professeur de renom pour apprendre ce qui recevait alors le nom de sagesse, choisit, pour thème du premier écrit par lequel il fit l'épreuve de son talent, une attaque dirigée contre son maître ». Bentham procède de même; mais il ne veut pas être ingrat. Au lieu de déclarer, au moment où il se prépare à réfuter Adam Smith, qu'il ne lui doit rien, il professe qu'il lui doit tout. « Si j'avais le bonheur de remporter sur vous l'avantage, ce serait donc avec des armes dont vous-même m'avez enseigné l'usage, que vous-même m'avez mises entre les mains; car, puisque c'est vous qui avez défini les grands critériums dont on peut se servir pour distinguer le vrai du faux en ces.

matières, je ne connais qu'un seul moyen pour vous convaincre d'erreur ou d'inadvertance, et c'est de recueillir de votre propre bouche des paroles pour vous condamner. Le principe que Bentham applique à défendre, sans réserves, la liberté du prêt à intérêt, c'est effectivement l'idée maîtresse de la « Richesse des Nations », la thèse du libéralisme commercial et industriel. Puisque, dès maintenant, Bentham se donne, en économie politique, non pour un inventeur, mais pour un disciple intransigeant d'Adam Smith, puisque, d'ailleurs, la doctrine d'Adam Smith, après une évolution de quarante années, est appelée à venir s'incorporer au« radicalisme philosophique », il est nécessaire de définir cette idée fondamentale, comme aussi le lien par où elle se rattache au principe général de l'utilité.

La thèse fondamentale, dont toutes les autres thèses, chez Adam Smith, sont les corollaires, nous en avons donné déjà la formule, et défini l'origine : c'est la thèse de l'identité naturelle des intérêts, ou, si l'on veut, de l'harmonie spontanée des égoïsmes. Parfois, sans doute, Adam Smith recourt au principe de l'identification artificielle des intérêts: il impose, par exemple, à l'État « le devoir d'ériger et d'entretenir certains travaux publics et certaines institutions publiques, qu'un individu ou un petit nombre d'individus ne pourront jamais avoir intérêt à ériger et à entretenir, parce que le profit n'équivaudrait jamais aux dépenses effectuées, tandis qu'il pourrait être beaucoup plus qu'é

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