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tions, de la philosophie sentimentale de J.-J. Rousseau. La philosophie des droits de l'homme viendra aboutir, sur le continent, à la révolution de 1848; la philosophie de l'identité des intérêts, en Angleterre et vers la même époque, au triomphe du libre-échangisme manchesterien. Nous étudions, à ce point de vue, les origines, historiques et logiques, du radicalisme philosophique, un peu comme nous pourrions étudier la formation des principes de 1789; et dès lors, notre étude constitue, en même temps qu'un chapitre d'histoire de la philosophie, un chapitre de philosophie de l'histoire.

Mais n'est-ce pas là, peut-être, reculer à l'excès les limites de notre sujet? Nous ne le pensons pas, et nous croyons qu'une circonstance historique donne à notre étude un caractère aussi défini que possible. Car en Jérémie Bentham le radicalisme philosophique possède son grand homme; à sa carrière philosophique et littéraire correspond la période que l'on peut tenir, dans l'histoire du radicalisme philosophique, pour la période de formation de la doctrine. 1776, c'est l'année de la révolution d'Amérique, qui prépare les révolutions européennes; c'est l'année où Adam Smith publie sa Richesse des Nations; où le major Cartwright formule pour la première fois en Angleterre le futur programme radical et chartiste des parlements annuels et du suffrage universel; mais c'est aussi l'année où Bentham, âgé de

vingt-huit ans, publie son premier ouvrage, le Frag1832, c'est l'année de la

ment sur le Gouvernement.

réforme qui, pour la première fois en Angleterre, accorde aux dictricts industriels et, dans une certaine mesure, aux classes laborieuses, le bénéfice de l'électorat, et donne à l'opinion radicale la possibilité de s'exprimer et d'exercer une influence sur la législation nationale; mais c'est aussi l'année où meurt Jérémie Bentham, âgé de quatre-vingt-quatre ans, vénéré par un groupe de disciples comme un patriarche, un chef spirituel, presque un Dieu, dont James Mill serait le saint Paul. C'est, d'ailleurs, à la réforme théorique et pratique du droit que, de tout temps, Bentham s'est attaché; c'est en ces matières qu'il a été véritablement un inventeur. Si les réformateurs du régime économique et politique, et de la philosophie elle-même, finissent par reconnaître en Bentham un chef d'école, ce n'est pas que Bentham ait été, sur tous ces points, le principal ou le seul auteur des doctrines nouvelles; il n'a inventé ni la loi de Malthus, ni la psychologie de Hartley; et, s'il a constitué la théorie utilitaire du radicalisme politique, il n'en a pas inventé le programme. Bien des individus, bien des circonstances ont collaboré à la formation du radicalisme philosophique. Quels individus? Quelles circonstances? Comment, aux environs de 1832, un grand nombre d'individus

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les

plus intelligents et les plus énergiques de leur géné

ration ont-ils été aménés à professer des opinions communes, une doctrine collective? Et quel a été le rôle précis joué par Bentham dans la formation de l'école benthamique? Ainsi prend une forme définie le problème historique que nous essayons de résoudre.

PREMIÈRE PARTIE

1776-1789

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