Imagens das páginas
PDF
ePub

possible, à tout homme à qui ses passions permettront de porter là ses regards, c'est l'impossibilité physique du système de l'égalité et de l'indépendance absolues, en montrant que la sujétion, non l'indépendance, est l'état naturel de l'homme.

APPENDICE IV

L'ESSAI SUR LA REPRÉSENTATION

Nous donnons quelques extraits des manuscrits d'University College (no 43), dont il est possible de fixer, avec la dernière précision, la date et l'occasion. L'ouvrage qui ne fut jamais achevé. dont ils devaient faire partie, est une théorie de la Représentation » (tel est le titre que portent en général les manuscrits en question). Le Times du 15 novembre 1788 avait publié une série de questions adressées par le Gouvernement français sur le meilleur mode de convocation et d'organisation des États Généraux; Bentham le reçoit le jeudi 20, mais, nous dit-il, « ne pense pas à l'ouvrage avant le vendredi, à onze heures ». Le 23, il trouve, dans le « Courrier de l'Europe », copie imprimée d'un « Arrêté de la Noblesse de Bretagne », et il écrit, le jour même, un court traité intitulé « Observations d'un Anglais sur un écrit intitulé Arrêté de la Noblesse de Bretagne ». Les deux ouvrages devaient paraître ensemble, comme en fait preuve cette phrase, dans le projet de préface de l'essai sur «la Représentation »: « Il a dù se publier depuis peu une petite brochure intitulée Observations d'un Rotuturier anglois sur l'arrêté de la Noblesse de Bretagne. J'ai eu communication de ce petit ouvrage, écrit par un compatriote à un ami. J'en fais mention pour dire que je l'adopte en tout, horinis les petites personnalités, plus plaisantes qu'offensantes, que l'auteur a cru pouvoir se permettre. Cette référence générale m'épargnera des citations et des redites ».

Quelques mois plus tard il entretient de ce travail l'abbé Mo

rellet, qui lui répond, le 25 mars 1789, en pleines élections : (Additionnal Mss. Brit. Mus. 33,541, f. 38): « Les questions que vous m'indiquez comme entrant dans votre tactique politique sont infiniment intéressantes, je regarde cependant votre essay sur la représentation comme plus pressé que tout le reste et j'y joindrois ce que vous avez à dire de la division du corps politique en divers corps indépendants, question qui ne me paroît pas tenir à la tactique des assemblées générales. Nous aurions bien besoin et vousmême et l'Europe et l'Amérique aussi d'une bonne théorie de la représentation nationale qui me paroît encore à faire, et sans laquelle les grandes nations n'auront jamais tous les avantages de la vie sociale, personne n'est plus en état que vous de nous rendre ce bon office... Je désirerois donc beaucoup que vous fissiez un bon traité de la représentation. Je crois, je vous l'avoue, sauf examen ultérieur, que notre nation est trop nombreuse et trop peu éclairée ou plutôt trop grossièrement ignorante pour avoir une représentation véritablement démocratique, complète, formée par des élections placées dans les dernières classes de citoyens. Je serai charmé que vous me confirmiez dans cette idée si vous êtes conduits à ce résultat ou que vous me détrompiez s'il ne vous paroît pas juste. >>

Dans l'essai sur la Représentation, Bentham commence par poser les « termes capitaux servant de points de ralliement aux principes propres à indiquer la solution des problèmes proposés ». Voici le texte :

Pour indiquer les principes qui me paroissent propres à être consultés pour trouver les réponses de ces importantes questions, j'emploierai, en guise de points de ralliement, quatre grands mots : Sûreté, Égalité, Liberté (Addition au-dessus de la ligne Tranquillité), Simplicité (addition: Incontestabilité). Ce n'est pas qu'asservi par le son de ces paroles importantes, et ne trouvant d'autres pour le moment pour les pareiller (?), j'aie résolu de ne rien écarter qui ne fût capable d'être rapporté à quelqu'un d'entre ces chefs; mais que, dans le fait, toutes les considérations que la revue de tous ces points m'ont suggéré m'ont paru capables d'y être ramenées sans violence.

Sûreté. Il s'agit principalement de la sûreté pour ces possessions qui ont pour sujet les diverses modifications de la matière de la richesse. Je la mets en ordre de préférence

avant l'Égalité. Sans sûreté pour les possessions, point de propriété, point de subsistance, point de sujet pour l'égalité, rien en quoi être égal.

Liberté. Toute loi coercitive est en soi un mal: pour l'autoriser, il faut quelque bien qui le surpasse. C'est au proposant d'une telle loi à faire voir ce bien; manque-t-il à cela? il n'en faut pas davantage pour la rejetter. Y peut-il avoir quelqu'un qui aurait envie de faire ce que la loi défend? Elle est pernicieuse. Ne peut-il y avoir de désir pareil? Elle est inutile. L'on voit bien qu'il ne s'agit pas ici de cette liberté qui s'exerce en faisant du mal à autrui, mais de celle seulement qui consiste à ne pas se voir gêné sans raison.

Simplicité. Là où l'intervention de la loi pour régler est nécessaire, telle façon de régler peut demander plus de paroles ou des paroles moins faciles à saisir que telle autre; cela étant, toutes autres choses égales, c'est toujours la dernière façon qui est la préférable. Plus une masse de loix pèse sur l'appréhension et la mémoire, moins est grande la chance. qu'elle a de se trouver présente à l'esprit de chaque intéressé, à chaque occasion où il ne s'agit que de se la rappeler pour déterminer sa conduite.

Facilité d'exécution. Sous ce chef il s'agit principalement de cette facilité qui résulte de ce que l'on peut appeler netteté ou liquidité de titre. Je veux dire la facilité de constater le fait qu'on aura choisi pour en faire la cause efficiente et preuve du droit qu'il s'agit de conférer. Si j'avais le privilège de fabriquer des mots, j'aimerais mieux, à cette occasion, dans un seul mot, illitigiosité, ou incontestabilité.

Suivent plusieurs axiomes, qui constituent comme une traduction utilitaire d'une déclaration des droits.

I

Chacun a un droit égal à tout le bonheur dont sa nature est capable.

<< Ou, pour dire la même chose en d'autres mots, et pour éviter l'obscurité qui s'attache à l'idée de droit, donné un

assemblage quelconque d'hommes, un être indépendant supérieur quelconque, qui aurait assez de bonté pour s'intéresser à leur sort, pour trouver du plaisir dans l'idée de leur bien-être sans avoir aucun intérêt personnel qui le porteroit à préférer quelqu'un d'entre eux à un autre, trouveroi naturellement un plaisir égal à contribuer au bonheur d'un quelconque entr'eux que d'un autre : le bonheur d'un quelconque entr'eux ne vaudroit pas mieux à ses yeux que le bonheur égal d'un autre quelconque cependant un bonheur quelconque plus grand à recueillir par un quelconque entre eux vaudroit plus, à proportion de sa grandeur, qu'un bonheur moins grand à recueillir par un autre quelconque. »

(Et Bentham ajoute encore en marge: « Le Roi est précisément cet être supérieur : il s'est déclaré tel: on ne peut alléguer aucune raison pour ne pas le croire. Moi, au fond de mon cœur, d'après tous les pensers (?) que j'ai pu trouver, je le crois au fond de mon cœur; et, quand je ne le croirois pas, mon raisonnement ne cesseroit pas d'être le même) ».

II

Faute de pouvoir déterminer le degré relatif de bonheur dont différens individus sont susceptibles, il faut partir de la supposition que ce degré est le même pour tous. Cette supposition, si elle n'est pas exactement vraie, approchera au moins autant de la vérité, que toute autre supposition générale que l'on pourroit mettre à sa place.

III

Donné une opération quelconque, dont la nature étoit d'influer sur le bien-être de cette société en apportant à la masse collective le bonheur d'un nombre plus ou moins considérable des individus qui la composent, s'il s'agissoit de portions égales de bonheur, l'utilité de cette opération seroit en raison exacte de ce nombre. Chaque intéressé auquel ce bienfait pourroit s'étendre, fourniroit en faveur de cette

« AnteriorContinuar »