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cepter la doctrine de la représentation virtuelle, expédient juridique imaginé pour justifier, en Angleterre, un régime électoral incohérent, suranné, déformé par l'action du temps. A la théorie de la représentation virtuelle, ils opposent la théorie de la représentation réelle : nul n'est représenté, qui n'élit pas son représentant. Théorie logiquement inséparable de la théorie du suffrage universel. Doctrine inscrite dans les constitutions locales de plusieurs des colonies d'Amérique, toutes plus républicaines que la constitution anglaise, quelques-unes purement républicaines. - De sorte que, dans la lutte engagée avec la métropole, les colons d'Amérique se trouvent amenés naturellement, pour défendre les principes de la révolution de 1688, à poser des principes plus radicaux. Après avoir une première fois, en 1774, « déclaré » solennellement les « droits >> qu'ils possèdent, « par les lois immuables de la nature, les principes de la constitution anglaise, et les chartes ou contrats divers », les colons rompent définitivement, en 1776, avec la métropole, énumèrent, à l'exemple des Anglais de 1688, les usurpations commises par George III sur les droits de ses sujets, mais, à la différence des Anglais de 1688, font précéder cette énumération d'un exposé purement philosophique de principes universels. La révolution d'Amérique résout par le fait un débat théorique depuis longtemps engagé : une république à grand territoire est-elle concevable? ou bien la forme républicaine ne convient-elle qu'à de petits États? Sidney, au XVII° siècle, penchait pour la seconde

alternative, estimait le gouvernement démocratique seulement propre pour une ville peu considérable », et c'est pourquoi il préférait, dans un grand État, un gouvernement mixte3. Son opinion est partagée, au XVIIIe siècle, par la grande majorité des écrivains constitutionnels pour eux, une république, c'est la cité grecque de l'antiquité, la cité italienne du moyen âge, à la rigueur le canton suisse ou l'État de Hollande1. Hume seul, toujours disposé à contester les idées reçues, fait des réserves que vient justifier la révolution d'Amérique. Un régime démocratique est possible seulement dans une ville, ou sur un territoire de médiocre étendue, si l'on entend par démocratie le gouvernement direct du peuple par le peuple. Mais l'idée de représentation permet d'adapter à un grand territoire les exigences du régime; et l'idée de fédération permet d'étendre, à un territoire plus vaste encore, l'application du gouvernement démocratique. Pourquoi l'idée, apparue en Amérique, ne se propagerait-elle pas en Europe? La paix universelle, demande Price, un des plus ardents avocats, en Angleterre, de la cause américaine, ne serait-elle pas établie, le jour où les nations d'Europe se constitueraient en États-Unis à l'exemple des colonies d'Amérique?

Effectivement, l'idée démocratique, par l'intermédiaire de Price, de Priestley et de bien d'autres, passe, en cet instant précis, d'Amérique en Grande-Bretagne. John Cartwright, né en 1740, ancien officier de marine devenu écrivain politique, publie, en 17766, son Take

your Choice, dans lequel il présente le droit de suffrage comme un droit naturel inaliénable et préconise l'établissement, en Angleterre, du suffrage universel: terme dernier d'une évolution de dix ou douze années d'agitation politique. Une série d'incidents violents, qui rendent célèbres les noms de Wilkes et de Junius, viennent d'humilier le pouvoir monarchique et deconsacrer la liberté du journaliste, garantie désormais contre l'arbitraire de l'officier de police, du juge et de l'oligarchie parlementaires. Les premières réunions publiques se tiennent, les premières associations politiques se forment. L'élection de Wilkes, toujours renouvelée, toujours annulée, met ce fait en lumière que le roi peut user de son «< influence » corruptrice contre le Parlement, et obtenir du Parlement, soi-disant issu de la volonté populaire, qu'il lui serve d'instrument contre les libertés du peuple. « Les représentants du peuple, déclare au roi le lord-maire, sont essentiels pour faire les lois; et il vient un temps où il est moralement démontrable que les hommes cessent d'être des représentants. Ce temps est arrivé maintenant. La Chambre des Communes actuelle ne représente pas le peuple". » Des trois libertés qui seront désormais tenues pour inséparables: liberté de la presse 10, liberté de réunion, liberté d'association", le peuple anglais fait maintenant usage pour revendiquer une liberté plus précieuse, un droit plus essentiel, la liberté des élections, le droit

de représentation.

Pour défendre la liberté des élections parlementaires,

on peut réclamer un place-bill, spécifiant que les membres du Parlement seront exclus de tels ou tels emplois, civils et surtout militaires, afin de diminuer l'« influence » séductrice du monarque, distributeur d'emplois c'est, en fait, une des réformes que réclame la

Société pour la défense du Bill of Rights », qui s'est constituée, en 1769, à l'occasion de l'affaire Wilkes, pour défendre le principe de la liberté des élections. On peut encore, afin de faire entrer l'Assemblée législative en contact plus fréquent avec le corps électoral, demander que la durée des parlements soit abrégée, réduite de sept ans à trois ans, ou même, plus radicalement, à un an, comme le demande périodiquement, à la Chambre des Communes, à partir de 1772, un des plus actifs politiciens de la Cité de Londres, un des membres les plus connus de la « Société du Bill of Rights », l'alderman Sawbridge. Mais surtout la question de la liberté des élections, une fois posée, implique des conséquences inattendues et très graves : pour que le principe soit sauf, on est amené à entreprendre non seulement la défense du régime électoral existant contre les usurpations du pouvoir monarchique, mais la transformation de ce régime lui-même : la réforme de la représentation parlementaire. A côté de ceux qui considèrent que la vénalité du corps électoral est en raison directe de la pauvreté des électeurs, et qui, trouvant, dans le régime anglais, la constitution de certains. districts trop démagogique, demandent, pour assurer la liberté vraie des élections, que l'on diminue le nombre

des électeurs 12, il s'en trouvera d'autres, et plus nombreux, pour raisonner autrement, et insister sur cette thèse que, plus un corps électoral est composé d'un nombre restreint de citoyens, plus il est vénal. Il est plus facile, peut-être, d'acheter la conscience d'un pauvre que celle d'un riche; mais il est beaucoup plus facile d'acheter cent électeurs que cent mille. Si, d'ailleurs, on admet, comme font tous les Anglais, la maxime No taxation without representation, comment demander que l'on restreigne le droit de vote dans un pays, sous un régime, où tant de citoyens paient l'impôt qui ne sont pas représentés par voie d'élection? Pour rendre effective la liberté des élections, la réforme nécessaire consiste alors non pas à restreindre, mais à élargir le corps électoral. Lord Chatham, rejeté dans l'opposition, et qui vient de prendre en mains la cause de Wilkes, fait campagne en ce sens, à partir de 1770, et Junius adhère à la politique de lord Chatham qu'il qualifie d' « admirable ». Le 23 juillet 1771, la «< Société du Bill of Rights » prescrit à ses membres de travailler de toutes leurs forces à obtenir « une représentation pleine et égale du peuple au Parlement »; et la « Société Constitutionnelle », fondée par Horne Tooke, après sa brouille retentissante avec Wilkes, poursuit la réalisation du même programme13. La formule d' « une représentation pleine et égale implique déjà, dans la pensée de plusieurs, non plus seulement, comme le demandait lord Chatham, l'attribution de nouveaux sièges aux comtés, mais encore

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