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découvrir des détours logiques propres à conférer à cette notion vague le caractère d'une vérité mathématiquement exacte et rigoureuse; et c'est ce qu'essaierait de faire Bentham Mais, si le principe de la sûreté est le principe fondamental, chez Bentham, du droit civil, sa philosophie juridique apparaît donc essentiellement comme une philosophie de la tradition, un empirisme.)✓ B Pas de droit naturel vrai pour tous les temps et pour tous les pays. Autant de droits distincts que d'habitudes, d'associations d'idées invétérées, dans chaque siècle et dans chaque nation. Comment des associations d'idées fortuites, contingentes, variables, produisent-elles le semblant d'un ordre? C'est le mystère de la nature, devant lequel le naturalisme de Hume nous invite à incliner notre raison.

Mais la nouvelle morale de l'utilité recèle, en outre une tendance rationaliste déjà sensible chez Hume, beaucoup plus forte chez Helvétius et chez Bentham. On peut conjecturer que la philosophie du droit civil, chez Bentham, tend à l'égalitarisme, dans la mesure, où l'inspiration rationaliste tend, par instants, à y prédominer sur l'inspiration naturaliste.)

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Le rationaliste croit à la toute-puissance de la vérité et de la science n'est-ce pas cette croyance qui encourage en ce moment même le philosophe de l'utilité à préparer la constitution d'une science exacte de la morale et de la politique? De même que la science assure à l'homme la puissance de transformer, à son gré et sans limite, la nature physique, de même elle

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[devra lui assurer, si elle ne ment pas à ses promesses, la possibilité de transformer sans limites la nature humaine. Les causes physiologiques et physiques sont négligeables l'éducation a la faculté de transformer sans limites le caractère humain, de faire tous les hommes intellectuellement égaux et dès lors dignes de posséder des richesses égales. C'est la théorie d'Helvétius, le maître de Bentham. Hartley, de même, chez qui la loi du progrès indéfini était une loi strictement intellectuelle, dérivée de la loi de l'association des idées, affirmait la tendance nécessaire du genre humain vers un état final, où tous seraient à la fois parfaitement heureux et parfaitement égaux Hartley, lui aussi, est un des inspirateurs de Bentham.

Le rationaliste est disposé, en outre, à négliger le particulier, pour ne s'attacher qu'à la considération du général : l'existence de « faits généraux » lui fournit un moyen commode pour distinguer, par un détour, le nécessaire de l'accidentel. Étant donné qu'il existe des individus, il trouvera donc commode d'admettre d'abord que tous les individus peuvent être tenus pour sensiblement égaux. Que ce soit là une convention et un postulat, Bentham l'admet dans une « observation générale » qui précède ses « propositions de pathologie sur lesquelles se fonde le bien de l'égalité ». Après avoir énoncé cet « axiome » que « chaque portion de richesse a une portion correspondante de bonheur », il ajoute assurément que, pour parler avec rigueur, il

faudrait dire : possède une chance correspondante de bonheur ». Mais il faut faire abstraction « de la sensibilité particulière des individus et des circonstances extérieures où ils peuvent se trouver », à moins de vouloir s'interdire toute espèce de proposition générale et c'est assez, pour justifier ces deux abstractions, nous dit Bentham, si, d'une part, elles approchent plus de la vérité que toutes celles qu'on pourrait leur substituer, d'autre part, si elles peuvent avec moins d'inconvénient que toutes autres servir de base au législateur. C'est donc, semble-t-il, traduire exactement la pensée de Bentham, de dire qu'il faut être égalitaire dans la mesure où l'on veut fonder une science des mœurs à titre de science rationnelle.

(Vienne une crise révolutionnaire, on verra les adeptes du principe de l'utilité se partager en deux factions. extrêmes, les uns allant tout droit au communisme égalitaire, les autres se faisant les apologistes du principe héréditaire et traditionaliste. Quant à la philosophie utilitaire proprement dite, celle que Bentham travaille déjà à fonder, celle dont il sera un jour le chef reconnu, elle semble déjà devoir se tenir à égale distance des deux extrêmes. Pour quelles raisons? Elles sont multiples et ne se sont pas. encore révélées toutes à l'intelligence de Bentham; mais l'égalitarisme modéré, qui sera plus tard celui de la secte, trouve déjà son expression précise dans les manuscrits d'où Dumont extrait les « Traités ». — « Quand la sûreté et l'égalité sont en

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conflit, il ne faut pas hésiter un moment. C'est l'égalité qui doit céder... L'établissement de l'égalité n'est qu'une chimère tout ce qu'on peut faire, c'est de diminuer l'inégalité ».

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Le droit pénal définit les délits, et, pour les réprimer, édicte des peines. Or, la conception de la peine, de même que la conception de l'obligation, varie, selon qu'on se place au point de vue du principe de l'utilité, ou au point de vue professionnel de la corporation judiciaire.

Le magistrat prend l'habitude, en quelque sorte professionnelle, de frapper d'une peine chacun des délits qui sont soumis à son examen. Il finit donc par associer inséparablement l'idée de peine avec l'idée de délit; il finit par croire qu'entre ces deux termes il existe une liaison naturelle, que le délit, en vertu de son essence même, appelle la peine, que le délinquant mérite d'être puni. Il en est de la notion de mérite, en droit pénal, comme de la notion d'obligation, en droit civil le système « technique » la pose comme primitive, inex

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